Crise sanitaire et droit du travail : réussir le télétravail

La crise sanitaire actuelle accélère la transformation numérique en cours : elle rend indispensable, pour les entreprises dont l’activité le permet, la mise en place du télétravail, soit parce qu’elles se trouvent dans une zone d’alerte maximale, soit parce qu’elles ont décidé de se prémunir contre les conséquences d’une épidémie dont le terme se fait toujours attendre.

Se pose donc la question de savoir comment réussir la mise en place du télétravail et concilier efficacité économique pour l’entreprise et qualité de vie au travail pour les salariés.

Dans ce cadre la relecture du rapport METTLING de septembre 2015 sur la transformation numérique et la vie au travail qui avait été remis au Gouvernement dans le cadre de la préparation de la Loi Travail du 8 aout 2016, se révèle être une source d’inspiration à ne pas négliger.

Le développement du télétravail, jusqu’ici laborieux, boosté par la crise sanitaire

Malgré l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail, le travail à distance a tardé à se développer dans notre pays.

Il est vrai que le mythe de la présence physique au travail, longtemps considérée comme la condition sine qua non de l’efficacité, du contrôle mais aussi du travail en équipe, ne facilitait pas le développement de cette forme particulière d’exécution du contrat de travail.

Avec la crise sanitaire, ce retard a certainement été résorbé, au point de se demander si le télétravail n’est pas devenu, dans certains secteurs d’activité, la norme en matière d’organisation du travail.

Néanmoins le rapport METTLING avait mis en évidence certains risque inhérents au télétravail.

Les risques du télétravail

Les difficultés les plus couramment rencontrées induites par la situation de télétravail sont les suivantes :

  • La difficulté pour le manager de passer d’une culture du contrôle par la présence à une culture du contrôle par le résultat des tâches effectuées : inéluctablement, la présence d’un télétravailleur implique celle d’un télémanager, dont les compétences managériales doivent intégrer le management à distance.
  • Un risque d’isolement des télétravailleurs ;
  • Un risque de délitement du collectif ;
  • Un risque de perte du sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Bonnes pratiques en matière de télétravail

Mais le même rapport avait aussi recensé un certain nombre de bonnes pratiques d’organisation du travail à distance que l’on retrouve au titre de la préconisation n°26 dudit rapport. A titre d’exemple, il s’agit de :

  • Formuler des conditions d’éligibilité au travail à distance justes et claires : compte tenu du contexte sanitaire actuel, les conditions d’éligibilité doivent être particulièrement souples.
  • Souligner l’intérêt de l’option de réversibilité réciproque pour le managé, afin que le travail à distance ne soit pas vécu comme pénalisant, mais aussi pour le manager, après dialogue avec l’intéressé en cas d’inadéquation manifeste ;
  • Fixer une période initiale et réciproque d’adaptation, de 1 à 3 mois : en effet on imagine mal, même en période de crise sanitaire, qu’un salarié nouvellement embauché soit dès son embauche immédiatement placé en situation de télétravail ;
  • Favoriser une modalité de télétravail avec quelques jours collectifs obligatoires de présence physique par semaine : sans présence physique ne serait-ce que quelques jours par semaine, il y a fort à parier que le sentiment d’appartenance à l’entreprise disparaitra rapidement ;
  • Définir les modalités de coordination (canal, créneaux horaires par exemple), ainsi que des outils d’interaction à distance, en laissant le collaborateur exprimer ses préférences ;
  • Prévoir une ou des plages de disponibilités à distance du manager pour que le managé ne se sente pas isolé en cas de difficulté ;
  • Établir de la confiance au sein de la relation managériale à distance ;
    • Instaurer une première phase de travail en présentiel, avant de basculer en travail à distance, afin de construire une relation de confiance et de créer le sentiment d’appartenance ;
    • Prendre en compte pour le manager la perception ressentie par le managé sur le contrôle de son engagement ;
    • Déléguer une certaine autonomie et renoncer à une partie du contrôle, en insistant sur la nécessaire proactivité du managé s’il ressent une perte de confiance de la part de son manager ;
  • Modes de contrôle du bon investissement du salarié ;
    • Contrôle directement issu de l’exploitation des données de connexion du salarié : au-delà des contraintes légales (information-consultation du CSE, déclarations à la CNIL ect…) il doit être encadré pour ne pas être vécu comme intrusif ;
    • Droit et devoir de déconnexion ;
    • Limiter les heures de disponibilité du managé à distance ;
  • Contrôle déclaratif : limiter le reporting à l’initiative du télétravailleur, privilégier un retour régulier dont la fréquence et les modalités auront été préalablement définies.
  • Contrôle des résultats : nécessité d’un encadrement qualitatif en amont et en aval des résultats fournis ;
  • Partager des informations entre membres de l’équipe pour que les télétravailleurs et salariés sur site soient au même niveau d’information : point essentiel sur le plan managérial.

    Quelle que soit la manière dont le télétravail est mis en place dans l’entreprise (Article L.1222-9 du Code du travail : accord collectif, charte élaborée par l’employeur après avis du CSE, accord entre l’employeur et le salarié formalisé par tout moyen), il devra intégrer certaines de ces bonnes pratiques afin de concilier efficacité économique et qualité de vie au travail.

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