Recours aux services d'un auto-entrepreneur et contrôle URSAAF : prudence !

Si un auto-entrepreneur pourtant immatriculé au registre du commerce, atteste qu’il travaille sous la subordination d’un donneur d’ordre, la présomption légale de non-salariat dont il relève est détruite et le donneur d’ordre peut faire l’objet d’un redressement de cotisations sociales.

Cass. 2ème civ., 28 novembre 2019, n°18-15.333 et 18-15.348, Sté Transports Wendling c/ URSSAF d’Alsace.

Les faits

Selon toute vraisemblance, c’est à l’occasion d’un contrôle URSSAF opéré dans une entreprise de transport qu’un auto-entrepreneur, présent sur les lieux, va répondre aux questions du contrôleur, et décrire précisément ses conditions d’intervention, en qualité d’auto-entrepreneur, au bénéfice de ladite société.

A la suite de ce contrôle, l’URSSAF notifie à la société de transport une lettre d’observations portant sur plusieurs chefs de redressement relatifs à l’existence d’un travail dissimulé.

Postérieurement à la mise en demeure, la société saisit la juridiction de sécurité sociale d’un recours visant à contester le bien-fondé du redressement.

Confirmant l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar le 22 février 2018, la Cour de cassation juge que si l’article L.8221-6 du Code du travail institue une présomption de non-salariat au bénéfice notamment des personnes sous statut d’auto-entrepreneur, cette présomption peut être détruite s’il est établi qu’elles fournissent directement ou par personne interposée des prestations au donneur d’ordre dans des conditions les plaçant dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

La Cour relève que l’auto-entrepreneur en question, immatriculé au registre du commerce avait précisément décrit ses conditions d’intervention, à savoir qu’il lui était demandé par la société de transports de conduire des camions pour effectuer des livraisons, que les véhicules étaient mis à sa disposition par la société qui en assurait l’entretien et qui prenait en charge les dépenses de carburant. Par ailleurs l’auto-entrepreneur utilisait la licence communautaire de la société et se présentait comme faisant partie de la société de transport. Au surplus, les disques d’enregistrement étaient remis à cette dernière.

En clair, l’auto-entrepreneur n’avait aucune indépendance dans l’organisation et l’exécution de sa prestation, et effectuait donc sa prestation dans le cadre d’un lien de subordination juridique. Son « intégration » avait été tellement réussie qu’il se présentait lui-même comme faisant partie des effectifs du donneur d’ordre.

La Cour en déduit, fort justement, qu’il existait donc un lien de subordination juridique entre la société et la personne qu’elle avait employée sous le statut d’auto-entrepreneur, et qu’en conséquence, le montant des sommes qui lui avaient été versées devait être réintégré dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

L’analyse de cette décision

L'article L. 8221-6 du Code du travail institut une présomption de non salariat au bénéfice d'un certain nombre de personnes : ainsi, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, ainsi que les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés sont présumés ne pas être liées avec le donneur d'ouvrage par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à cette immatriculation.

Mais cette présomption légale de non-salariat peut être combattue s’il est démontré que les personnes fournissent directement ou par personne interposée des prestations au donneur d’ordre dans des conditions les plaçant dans un lien de subordination juridique permanente par rapport à celui-ci (Voir notamment Cass. 2ème, civ. 7 juillet 2016, n°15-16.110 au sujet d’un auto-entrepreneur officiant dans une société de formation professionnelle).

La Cour de cassation confirme donc sa jurisprudence en la matière.

Afin d’éviter une telle situation, le donneur d’ordre qui a recours aux services d’un auto-entrepreneur doit impérativement veiller d’une part à ce que ce recours demeure conjoncturel et ne devienne pas structurel, et d’autre part à ce que l’auto-entrepreneur conserve une réelle indépendance dans l’organisation et l’exécution de sa prestation, sous peine de redressement.

Retour


Contacter le Cabinet