Messagerie instantanée et droit disciplinaire

Des messages électroniques échangés par le biais d’une messagerie instantanée personnelle distincte de la messagerie professionnelle de la salariée sont couverts par le secret des correspondances.

Par suite, l’employeur ne peut pas les consulter ni les invoquer à l’appui d’une sanction ou d’un licenciement.

Cass. Soc., 23 octobre 2019, n°17-28.448 F-D, Sté Michel Nicolas c/ S.

Les faits

Une salariée occupant les fonctions de secrétaire est licenciée pour faute grave pour avoir communiqué à une collègue de travail au moyen d’une messagerie instantanée (MSN Messenger) installée sur son ordinateur professionnel, des informations et documents confidentiels relatifs à d’autres salariés de l’entreprise. 

La lettre de licenciement fait état de vol de documents à des fins personnelles et de divulgation de ces derniers à des salariés.

La contestation du licenciement sur la base de la violation du secret des correspondances

A l’appui de la contestation de son licenciement, la salariée invoque la violation du secret des correspondances, protégé notamment par l’article 9 du Code Civil selon lequel chacun a droit au respect de sa vie privé. 

Pour la salariée, compte tenu du caractère privé de ces échanges, l’employeur n’aurait jamais dû en prendre connaissance, et ne pouvait donc pas les invoquer à l’appui d’un licenciement, ni en faire état devant le juge.

La solution adoptée par la Cour de cassation

Cette argumentation est suivie par la Cour d’appel et par la Cour de cassation, et le licenciement est jugé abusif.

La Cour de cassation juge que :

« Mais attendu qu'ayant constaté que les messages électroniques litigieux, échangés au moyen d'une messagerie instantanée, provenaient d'une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils étaient couverts par le secret des correspondances ; que le moyen n'est pas fondé »

L’employeur ne peut donc ni consulter ni se prévaloir des messages échangés par le biais de cette messagerie personnelle, même si cette dernière a été installée sur l’ordinateur professionnel utilisé dans le cadre de l’exécution de sa prestation de travail.

L’analyse de cette décision

Cette décision est l’illustration de la protection absolue accordée par la Cour de cassation au respect de la vie privée. Mais justement, la vie privée du salarié était-elle la seule en cause ?

On relèvera que parmi les documents et informations transmis par la salariée par messagerie instantanée, certains concernaient directement l’entreprise : évolution de la rémunération d’un salarié, attestation Pôle Emploi, bulletins de salaire, journal des paies, soldes de tout compte…

Si le vecteur de transmission (MSN Messenger) utilisé par la salariée avait bien un caractère privé, il n’en reste pas moins que le contenu des messages relevait manifestement de la vie professionnelle de la salariée.

Il semble donc que la Cour de cassation privilégie le contenant (ici d’ordre privé, à savoir la messagerie personnelle) au contenu (documents appartenant à l’entreprise).

Pour plus d'informations, n'hésitez pas à contacter le Cabinet de Maître Jean-Eymeric Blanc.

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